top of page

LES dnvb : une révolution à bout de souffle?

  • Writer: Madeleine Haddad
    Madeleine Haddad
  • Dec 13, 2024
  • 8 min read

Updated: Dec 17, 2024


Vous connaissez sûrement Sézane, Typology, Bonsoir, Asphalte, Made.com (RIP) ou Bonne Gueule… Quel est leur point commun ? Ce sont des DNVB : Digital Native Vertical Brands.



Typology.com

En 2015,  les DNVB ont émergé comme une véritable révolution dans le paysage du commerce. Ces marques, conçues pour et par le numérique, promettaient de bouleverser des industries entières, de réinventer notre manière de consommer et de répondre aux nouvelles attentes des consommateurs. Leurs produits, souvent simples, leurs messages clairs, et leurs promesses éthiques ont conquis des millions de clients.


Pourtant, presque dix ans plus tard, ce modèle montre des signes d’essoufflement. La croissance fulgurante qui les a propulsées sur le devant de la scène semble avoir atteint ses limites. Que s’est-il passé ? Pourquoi cette révolution, saluée par les investisseurs et acclamée par les consommateurs, semble-t-elle aujourd’hui piétiner ?


Faisons le point!


DNVB : une définition et une origine révolutionnaires

Une DNVB, c’est une marque qui naît en ligne (DNB). La verticalité (V) fait la différence, l’entreprise fonctionne sans intermédiaire et contrôle toute sa chaîne de valeur, de la production à la distribution.

Elle n’achète pas de produits finis, elle connait son fournisseur et refuse le B2B (pas de vente aux revendeurs).


Dès leur apparition, ces entreprises ont séduit par leur approche directe : modèle direct-to-consumer ou DTC, leur communication hyper ciblée et leur engagement affiché pour des valeurs éthiques et durables.


Avec des exemples emblématiques comme Warby Parker (lunettes), Everlane (mode transparente), Sézane (prêt-à-porter) ou Typology (cosmétiques épurés), les DNVB se sont imposées comme des alternatives modernes aux acteurs traditionnels.

Leur promesse ? Simplifier l’offre, la rendre plus accessible, mettre en avant un fort storytelling et redonner du sens à la consommation, notamment en répondant aux exigences croissantes des consommateurs en matière de transparence et de responsabilité.



La bulle de 2015 : une course effrénée aux investissements

Vers 2015, les DNVB ont connu un véritable âge d’or. Portées par leur image innovante et leur approche digitale, elles sont devenues les favorites des investisseurs. Les fonds de capital-risque se sont rués pour soutenir ces jeunes pousses, leur permettant de lever des sommes considérables. Les DNVB promettaient une croissance rapide grâce à des campagnes marketing digitales bien ficelées et une stratégie reposant sur les réseaux sociaux pour capter les plus jeunes.


La force de la DNVB est sa vision « client-centric ». Sa stratégie est de mettre le client au centre de la stratégie et de répondre à ses exigences. L’objectif est de transformer le client en ambassadeur de marque.


Cette période a donné naissance à une sorte de bulle. Le modèle paraissait séduisant, presque infaillible, mais beaucoup de marques ont misé sur une croissance à tout prix, au détriment de la rentabilité.

Derrière les chiffres impressionnants, certaines difficultés structurelles commençaient déjà à émerger.


Une révolution sectorielle aux origines bien cadrées

Le Starting Pack du fondateur

Le succès des DNVB ne doit rien au hasard. Leurs fondateurs partagent souvent des profils similaires : jeunes diplômés d’écoles de commerce, anciens consultants ou cadres ayant travaillé dans des secteurs comme la mode, la beauté ou le luxe, un fort intérêt pour la transparence et souvent engagé. Ces entrepreneurs, armés d’une solide expertise en branding et en storytelling, ont su répondre aux attentes d’un consommateur en quête d’authenticité et de valeurs.


Leur stratégie ? Miser sur un produit unique ou une gamme réduite, ciblant une niche spécifique. Que ce soit les matelas livrés compressés d’Emma, les basiques intemporels d’Everlane, ou les cosmétiques ultra-transparents de Typology, chaque DNVB s’est positionnée comme une experte dans son domaine, défiant des géants établis.


Le Branding : Un levier devenu une norme

Le branding a été l’arme secrète des DNVB, leur permettant de s’imposer face aux mastodontes établis. Grâce à des identités visuelles épurées, des messages précis et une communication résolument moderne, elles ont su captiver une audience avide de fraîcheur et d’innovation. Ce souci du détail, couplé à une stratégie de storytelling puissant, a construit leur succès.

Cependant, ce qui était autrefois une force différenciatrice s’est progressivement banalisée. Les grands acteurs, observateurs attentifs, ont rapidement adopté ces codes modernes et ces pratiques innovantes. Aujourd’hui, cette esthétique et cette stratégie ne suffisent plus à démarquer les DNVB, noyées dans un océan de marques qui, elles aussi, jouent la carte du minimalisme et de la sophistication.


bonsoirs.com


L’Éthique : De la promesse à la suspicion

Si les DNVB se sont imposées, c’est aussi grâce à leur discours éthique : des promesses de durabilité, une transparence sur les coûts et une production responsable. Ce positionnement a fait écho à une génération de consommateurs plus conscients et exigeants.



Produit de la marque Everlane.com

Mais cet engagement, bien qu’attrayant, a parfois été remis en question.

Certaines DNVB ont été accusées de pratiquer le greenwashing, offrant plus de promesses marketing que de réels résultats concrets.

Cette désillusion a érodé la confiance de certains consommateurs, rendant l’éthique moins perçue comme une valeur différenciante et davantage comme une obligation de base dans un marché de plus en plus saturé.


Prenons l’exemple de Reformation, une DNVB de mode adulée pour ses vêtements "verts". Bien que la marque revendique une démarche écologique, elle a été critiquée pour le manque de transparence sur ses chaînes d’approvisionnement et les conditions de travail de ses employés dans certains ateliers.


Dans le même esprit, des consommateurs ont exprimé leur scepticisme face aux initiatives marketing de certaines DNVB qui mettent en avant des actions ponctuelles, par exemple, planter un arbre par produit vendu, sans pour autant repenser fondamentalement leurs processus industriels.



Un modèle qui s’essouffle

Les DNVB françaises, à l’image de leurs homologues internationales, doivent aujourd’hui relever plusieurs défis majeurs. Ces obstacles mettent en lumière les limites structurelles de leur modèle économique et leur capacité à maintenir leur attractivité dans un marché en constante évolution.


Une saturation du marché

En France, le succès initial des DNVB a conduit à une multiplication des acteurs proposant des concepts similaires : une communication centrée sur l’éthique, des designs épurés et des produits de niche.

Résultat : une saturation qui rend difficile leur différenciation. Les consommateurs se retrouvent confrontés à un trop-plein de marques aux promesses similaires.


Une marque comme Respire s'est avec des promesses de transparence et de formulations minimalistes. Mais avec l’explosion d'initiatives similaires, notamment de la part de marques historiques comme L’Oréal, qui investissent dans des gammes bio et épurées, ces DNVB doivent désormais se battre pour maintenir leur position.

Maison Standards, marque de mode responsable a gagné en visibilité. Cependant, de nombreuses petites DNVB peinent à rivaliser sur un marché où les codes de l’éthique et du design minimaliste sont désormais des standards adoptés par des géants comme Zara (malgré la dénonciation de greenwashing).


Une dépendance coûteuse au marketing digital

Les DNVB françaises ont bâti leur notoriété grâce à des campagnes ciblées sur les réseaux sociaux ou moteurs de recherche (SEM: Search Engine Marketing), mais ce levier stratégique devient de moins en moins rentable.

Le cout d’acquisition client en ligne devient colossal.

De plus, les marques doivent s’adapter aux nouvelles normes RGPD, limitant l’utilisation des données pour des campagnes personnalisées.

Cela complique encore leurs capacités à recruter efficacement de nouveaux clients.

L'augmentation des coûts publicitaires et les changements dans le ciblage publicitaire (notamment avec la mise à jour d’iOS), ces efforts pèsent lourd sur leurs budgets sans toujours garantir des retours suffisants.


Les limites du modèle Direct-to-Consumer (DTC)

En France, le modèle DTC, qui a permis à des DNVB de se passer d’intermédiaires, atteint lui aussi ses limites. Sans points de vente physiques ni partenariats avec des distributeurs, la croissance est difficile à soutenir.


Les DNVB françaises adoptent de plus en plus une stratégie omnicanale pour toucher de nouveaux consommateurs.

Typology, initialement une pure-player digitale, teste aujourd’hui des magasins éphémères pour aller à la rencontre de son public avec des corners en grands magasins.

Sézane, qui a longtemps misé sur le tout digital, a ouvert des boutiques physiques comme son célèbre "Appartement Sézane" à Paris, permettant une expérience client plus immersive.


Adresses des boutiques "Appartement" de Sézane

Certaines marques de make-up américaines choisissent de collaborer avec des distributeurs pour élargir leur réseau, tel que Séphora ou Ulta.

Les Miraculeux, qui propose des compléments alimentaires, est désormais disponible dans des pharmacies partenaires.


Un modèle économique fragile

La course à la rentabilité demeure un défi majeur pour de nombreuses DNVB. 

Confrontées à des coûts d’acquisition toujours plus élevés, ces marques cherchent à diversifier leurs offres pour maximiser la valeur moyenne par client.

Respire, par exemple, après avoir conquis un public avec ses déodorants naturels, a élargi sa gamme pour inclure des shampoings, des crèmes solaires et d’autres produits d’hygiène, répondant ainsi à une demande croissante et en augmentant ses opportunités de vente.



respire.co


En parallèle, certaines DNVB explorent des partenariats stratégiques pour générer de nouvelles sources de revenus. Le Slip Français collabore avec des entreprises pour concevoir des produits personnalisés, comme des uniformes ou des cadeaux d’entreprise, tandis que Balzac Paris mise sur des collaborations avec d’autres marques pour mutualiser les coûts de production et accroître sa visibilité.


Ces initiatives témoignent de la nécessité d’innover pour rester compétitif dans un marché de plus en plus exigeant.

LE B2B semble apparaître comme la sortie de secours de nombreuses marques afin d’accroitre la rentabilité.



Quelles perspectives pour l’avenir des DNVB ?

Pour survivre, les DNVB doivent impérativement évoluer, car le modèle DTC pur, qui leur a permis de se démarquer à leurs débuts, montre aujourd’hui ses limites.


Un statut hybride : ONVB

Les consommateurs attendent désormais plus qu’une simple expérience numérique : ils recherchent un contact tangible avec les marques et des canaux diversifiés pour accéder à leurs produits. Ainsi, de nombreuses DNVB optent pour un statut hybride, mêlant vente en ligne et distribution physique.


Ce passage marque leur transformation en ONVB (Omnichannel Native Vertical Brands), un modèle qui combine les forces du digital et les avantages d’une présence physique. Boutiques, pop-ups, corners en grands magasins et collaborations avec des distributeurs stratégiques deviennent autant de leviers pour élargir leur audience et offrir des expériences clients plus complètes.


Cela implique de repenser la stratégie, en misant sur une différenciation plus nette de l' offre, des innovations produits pertinentes et un retour sincère à leurs engagements éthiques.

Ce n’est plus l’effet de nouveauté qui suffira, mais une capacité à s’imposer comme des marques matures et crédibles sur des marchés en constante évolution.


Les DNVB, bien qu’elles aient redéfini les standards de leur industrie, doivent aujourd’hui relever le défi de leur propre transformation. Le passage au statut ONVB représente une réponse pragmatique et nécessaire pour rester compétitives. Mais cette transition n’est pas sans défis : elle exige des investissements importants, une logistique optimisée et une gestion cohérente de leur identité de marque.

La révolution initiée par les DNVB n’est donc pas terminée, mais elle entre dans une phase plus complexe et exigeante, où seules les marques capables d’équilibrer agilité, authenticité et omnicanalité parviendront à prospérer.




En conclusion, les DNVB ont été une véritable révolution, redéfinissant les standards de l’industrie et en séduisant une génération avide de transparence et d'innovation. Cependant, cette révolution doit aujourd’hui faire face à ses propres contradictions. Leur modèle initial, centré sur le digital et le direct-to-consumer, montre aujourd’hui ses limites face à la saturation du marché et à des coûts d’acquisition clients en hausse.


L’avenir de ces marques passe par une transformation en ONVB, combinant force digitale et présence physique pour répondre aux nouvelles attentes des consommateurs.

Cette transition vers l’omnicanalité représente une opportunité, mais aussi un défi stratégique et logistique.

Les DNVB qui réussiront à innover tout en restant fidèles à leurs valeurs auront la capacité de s’imposer durablement dans un marché en constante évolution, transformant leur révolution initiale en un modèle pérenne.

La course n’est pas terminée, mais elle s’annonce plus ardue.

 
 

Restons en contact.

© 2035 by Lee Phan. Powered and secured by Wix

bottom of page